Ça fait quelques jours que je discute de la laideur urbaine. L’occasion vient d’une longue discussion (une partie de la discussion est par là) concernant les Vergers à Meyrin, un quartier qui sur papier était promis à un radieux avenir, mais que dans la pratique s’est révélé assez banal et très gris.

Afin de chiffrer l’ampleur des dégâts induit par ce type d’urbanisme, nous avons besoin d’une nouvelle unité de mesure.

Pour cela, nous reprenons la tradition qui consiste à donner à chaque unité le nom de la personne qui a fait avancer le plus la science dans le domaine en question:

• le newton (force: 1 N = 1 kg*m*s⁻²),
• le pascal (pression: 1 Pa = 1 N*m⁻² ),
• le joule (énergie: 1 j = 1 kg*m^2**s⁻²)
• et le watt (flux énergétique: 1 w = 1 kg*m²*s⁻³).

Pour la laideur urbaine, le choix se portera naturellement sur la personne qui, plus que tous, a ouvré toute sa vie pour enlaidir un maximum de villes partout dans le monde: M. Charles-Édouard Jeanneret, dit Le Corbusier.

Nous définirons donc notre nouvelle unité de mesure, le corbusier (symbole: LC) comme:

1 corbusier = 1’000 logements moches

Comme pour les autre unités, nous avons ses sous-multiples:

• 1 milli-corbusier = 1 logement moches
• 1 centi-corbusier = 10 logements moches
• 1 deci-corbusier = 100 logements moches

Ainsi que son multiple:

• 1 kilo-corbusier = 1’000’000 de logements moches

Allons voir quelques exemples pratiques d’utilisation du corbusier.

L’Unité d’Habitation (333 logements) a une valeur de 0.333 corbusiers. 1 corbusier équivaut à 3 Unités d’Habitation.

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Une petite promotion de villas mitoyennes en forme de cubes blancs équivaut à 0.004 ÷ 0.005 corbusiers. Le dégât sur l’environnement est minime, et peut être facilement résolu par le biais d’un coup de peinture et de quelques moulures rajoutées après coup.

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Un immeuble résidentiel moche équivaut à 0.02÷0.04 corbusiers. Le dégât sur l’environnement dépend largement du contexte: en pleine ville l’effet est minime, tandis que dans une zone de villas, une verrue bien placée peut dégoûter pas mal de monde.

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Un PLQ équivaut à 0.2÷0.5 corbusiers. S’il est bien placé (au milieu d’une zone villas par exemple) et organisé de manière à être bien laid et difficilement modifiable, il peut arriver à enlaidir une commune toute entière.

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Le Lignon, avec ses 2780 logements, équivaut à 2.78 corbusiers (record genevois). Avec autant de monde réuni en un seul bâtiment, des façades venues tout droit d’un immeuble de bureau des années ’70 et une mise sous tutelle qui empêche toute possibilité de rendre ce complexe un peu moins laid de ce qu’il est actuellement, le Lignon assure un enlaidissement permanent à sa commune.

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Les grands ensembles français ont une valeur de 1 à 10 corbusiers (1’000 à 10’000 logements insalubres). Et pour compliquer le problème, dans les grands ensembles français, à la laideur se somme l’insécurité.  À cette échelle là, pour réparer les dégâts, la seule solution est la dynamite.

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Les exemples d’utilisation du kilo-corbusier (1’000’000 de logements insalubres) sont rares (heureusement!). Comme exemple d’application du Kilo-corbusier, nous pouvons prendre le département de la Seine-Saint-Dénis: avec ses 600’000 logements, dont 200’000 HLM (la plupart construits sous forme de grands ensembles), la Seine-Saint-Dénis a un score de 200 corbusiers = 0.2 kilo-corbusiers.

Pour reporter à la normale un territoire comme la Seine-Saint-Dénis, la seule dynamite n’est pas suffisante: il faudra des années et des années d’action combinée entre dynamite et ingénierie sociale.

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