Ceux qui me connaissent, ont déjà lu mes positions climato-sceptiques. En gros, je crois que la lutte contre la CO2 aura des effets concrets uniquement si les 8 propositions ci-dessous sont toutes vraies:
- Le climat est en train de changer
- Le climat est en train de changer parce que, dans l’atmsphère il y a trop de CO2
- Dans l’atmosphère il y a trop de CO2 parce qu’on brûle trop de combustibles fossiles.
- Il est possible d’arrêter d’utiliser les combustibles fossiles, et utiliser uneiquement des sources renouvelables
- Tous les pays du monde, sans exception, arriveront à se mettre d’accord pour un arrêt presque total de l’utilisation des combustibles fossiles.
- Quand tous les pays du monde, sans exception, arriveront à se mettre d’accord pour un arrêt presque total de l’utilisation des combustibles fossiles, le niveau de CO2 baissera et le monde retrouvera son climat d’avant.
- Si on n’arrivera pas à arrêter l’utilisation de combustibles fossiles, il y aura des conséquences désastreuses: inondations, sécheresses, migrations de masse, catastrophes naturelles.
- Aucun pays du monde ne sera favorisé par les changements climatiques à venir. Les conséquences des changements climatique seront négatives pour tous les pays, sans exception.
On peut déjà imaginer que le point 8 ne sera valable: certains pays comme la Russie ou le Canada, qui sont actuellement trop froids pour soutenir une large population, pourront bénéficier du réchauffement climatique pour décelopper des nouvelles terres habitables. Et des régions inhabitées comme le Groenland ou l’Antarctique pourront accueillir des nouvelles populations.
On sait aussi que le point 5 sera difficilement applicable. Le monde est en train d’aller vers une organisation multipolaire, et la diminution des émissions de CO2 dans une région de la planète pourrait être compensée par des émissions croissantes dans une autre région. De plus, différentes régions pourraient se livrer à une « guerre climatique »: le fait que l’augmentation de la CO2 pourrait déranger un pays ennemi peut amener un pays ou un autre à augmenter sa consommation de combustibles fossiles, dans le but de nuire à ses adversaires.

Ceux qui me connaissent savent également que je suis plutôt à droite. Je ne crois pas trop à l’action collective, je suis convaincu que le chemin pour être heureux est absolument individuel, et plutôt que attendre la révolution pour saisir les moyens de production, ces moyens de production je préfère les acheter.
Donc, avec ces prémices les gens sont assez surpris de ma position en faveur d’une ville sans voitures. La plupart des gens de droite sont convaincus que la voiture est un outil indispensable dans la vie d’un entrepreneur, et aussi que la voiture est le symbole ultime de la liberté. Et la plupart des gens de gauche sont convaincus que sans la problématique de la CO2, on ne pourrait pas souhaiter une ville sans voitures, et que la ville sans voitures sera nécessairement dense et anticapitaliste.
Pour réconcilier tous ces points de vue, voici mes argumentaires de droite, et climato-sceptiques, en faveur d’une ville sans voitures.

1 – La mobilité automobile consomme beaucoup d’argent public.
Les voitures sont vues comme le symbole ultime de la liberté et de l’indépendance vis à vis de l’État. Mais les voitures, pour rouler, ont besoin des routes et des autoroutes, et la très grande majorité des routes et autoroutes sont construites par les pouvoirs publics.
Quand on construit une route, il y a tout de suite un bon retour sur investissement: une nouvelle route ouvre des nouveaux territoires et permet d’atteindre plus rapidement des nouvelles destinations. Mais ce retour sur investissement diminue très rapidement avec le temps: la route nécessite d’être entretenue, et l’entretien nécessite un flux presque continue d’argent public. Et, plus le temps passe, plus la route devient congestionnée, et les destinations desservies deviennent de moins en moins faciles à atteindre. Pour éviter la congestion, on peut élargir la route ou créer des routes parallèles, mais toutes ces interventions sont très chères: pour garder un niveau de service constant, il faut dépenser des sommes de plus en plus grandes d’argent public.

2 – Par rapport à l’argent depensé, la mobilité automobile est très inefficace.
Par rapport à l’espacce consommé, les routes transportent relativement peu de monde. La Katy Freeway de Austin, l’autoroute plus large du monde, a 26 voies, une emprise de 60 à 90 mètres de large, et transporte 219’000 véhicules par jour. Le Boulevard Périphérique de Paris, l’autoroute la plus chargée d’Europe, a une emprise de 8 voies, une emprise de 28 m de large, et transporte 260’000 véhicules par jour. Par comparaison, le RER A, qui est la ligne de chemin de fer la plus chargée d’Europe, transporte 1’400’000 personnes par jour sur une double voie, avec une emprise de 7 mètres de large.

3 – La voiture est une très grosse dépense pour les ménages.
Si le réseau routier est une grosse dépense pour les pouvoirs publics, la voiture est aussi une très grosse dépense pour les ménages. Pour l’achat d’une voiture, il faut compter au minimum 10’000-15’000 CHF. À cela s’ajoutent les taxes d’immatriculation, les assurances, l’esssence, les réparations et les amendes: tous ces frais, additionnés, peuvent très vite plomber le budget d’une famille.

4 – L’automobiliste est très fortement taxé
On dit souvent que l’automobiliste est la vache à lait de l’État. L’état taxe l’essence, taxe les routes avec les péages et les vignettes autoroutières, taxe le stationnement,taxe les plaques de voiture, et taxe toute infraction au code de la route.
Bref, si vous pensez que vos impôts sont trop bas, et vous voulez faire un geste pour remplir les caisses de l’État, achetez une voiture!

5 – La conduite d’une voiture est du travail gratuit.
Lors que les supermarchés ont remplacé une partie de leur caissières par des caisses automatiques, beaucoup de gens se sont insurgés. La caisse du supermarché est un travail à responsabilité, qu’il ne faut pas déleguer au consommateur, mais qui doit être exécuté par du personnel spécialisé et spécialement formé pour cette tâche.
Pour la voiture c’est la même chose. Une voiture est une machine lourde, au même niveau que un bus, un train ou une presse hydraulique. Sauf que les bus, les trains et les presses hydrauliques sont opérés uniquement par du personnel spécialisé qui est rémunéré pour cette tâche, tandis que les voitures sont opérées par des particuliers qui les conduisent gratuitement.
En plus de ses 8 heures de travail habituelles, un automobiliste moyenne effectue chaque jour 2 heures de conduite. 2 heures où il doit être concentré et en pleine possession de ses facultés physiques et mentales. On ne peut pas boire des verres à la sortie du travail, on ne peut pas sortir de la maison le matin la tête en l’air.

6 – Les voitures consomment beaucoup d’espace et appauvrissent les territoires.
Une voiture roule, en moyenne, à 50 km/h en ville, à 90 km/h hors agglomération, et à 120/130 km/h sur l’autoroute. À ces vitesse, tout partage de la chaussée avec les autres utilisateurs est impossible: il faut séparer l’espace dédié aux voitures de l’espace dédié aux piétons et cyclistes.
Nous avons vu, au point 2, que pour déplacer un nombre relativement petit de véhicules, il faut une emprise au sol considérable. Dans une ville traditionnelle, avec des rues larges 10-15 mètres, il faut enlever environ 7 mètres pour le passage des voitures, ou 10-12 mètres si on veut aussi de l’espace de stationnement sur la chaussée. Il restent environ 3-4 mètres (deux trottoirs de 1.5 à 2 mètres chacun) pour les piétons et les cyclistes.
Ces petites bandes de terrain, avec des voitures qui passent à toute vitesse juste à côté, sont des espaces très peu attractifs. Ce ne sont pas des espaces adaptés à des familles avec enfants, car les enfants risquent à tout moment de finir sur la chaussée et être renversés par una voiture. Ce ne sont pas non plus des espaces agréables à vivre: personne n’a envie de s’attarder dans un espace bruyant et peu sûr. Finalement, les rues ouvertes aux voitures de la ville traditionnelle deviennent des espaces fonctionnel, où on ne fait que passer et où on s’y attarde le moins possible.
La disparition des espaces publics rend toute la ville historique très peu attractive. Peu à peu, les familles avec enfants quittent les lieux, suivies par les contribuables aisés. Dans la ville historique restent seulement les ménages les plus pauvres, qui n’ont pas les moyens d’aller vivre dans des lieux plus calmes.

7 – Les voitures encouragent le mauvais aménagement du territoire, ce qui genère encore plus de gaspillage d’argent public.
Les voitures s’accomodent mal dans une ville dense. Dans une ville dense, les voitures occupent presque tout l’espace public, et les routes sont encombrées de voitures en permanence, dans un bouchon perpetuel qui ne se termine presque jamais.
Donc, la mobilité automobile encourage la création de villes peu denses, avec des routes larges, beaucoup d’espace libre entre les bâtiments et des places de stationnement en abondance. Dans ces villes peu denses, la proportion des infrastructures par rapport aux édifices est nettement plus haute. Si dans une ville dense un kilomètre de route peut desservir environ 1200 appartements, dans une ville peu dense, un kilomètre de route peut desservir environ 60 villas. Cela veut dire que les frais d’entretien de la route, des égouts, des réseaux électriques et d’eau potable sont divisés entre 1200 ménages dans une ville dense, et entre 60 ménages dans une zone villas. Donc, il faudrait taxer les habitants des zones peu denses environ 20 fois plus que les habitants des villes denses, ou il faut augmenter les impôts pour tout le monde, et faire de manière que les habitants de la ville dense couvrent les frais pour les habitants des zones villas.

8 – La plupart des déplacements en voiture sont inutiles, et dérivent d’un mauvais aménagement du territoire.
La plupart des personnes font des déplacements très répetitifs. Les déplacements se font d’habitude pour trois raisons:
- Trajets domicile-travail
- Trajets pour des achats
- Trajets pour des loisirs.
Étant donné que ces trajets sont souvent très répetitifs et prévisibles, pour rendre le système le plus efficient possible, on pourrait les organiser de la manière suivante:
- Domicile-travail: avec un moyen de transport à haute capacité (bus, métro, RER) entre les quartiers résidentiels et les lieux de travail. Les lieux de travail le moins spécialisés peuvent aussi se trouver dans les quartiers résidentiels.
- Achats: en mettant les commerces à proximité des habitations.
- Loisirs: en mettant des loisirs à proximité des habitations, ou en utilisant la capacité aux heures creuses des moyens de transport qui mènent les gens du domicile au travail.
Au lieu de créer un système efficient, l’urbanisme du 20ème siècle a préféré séparer les différentes fonctions, en créant des quartiers résidentiels, des zones d’activités, des centres commerciaux et des parcs des loisirs. Les différentes zones étaient reliées par des voies rapides, et la seule manière d’aller d’une zone à l’autre était de prendre la voiture.
Cela a engendré des coûts supplémentaires pour les ménages, un encombrement inutile des voies de circulation, des dépenses croissantes pour les pouvoirs publics, et une perte de temps pour tout le monde.

9 – Les voitures enlèvent la place aux véhicules qui ont besoin d’utiliser la route (urgences, livraisons, transports publics).
Souvent l’objection que j’entends quand je dis que je suis favorable à des villes sans voitures concerne les véhicules utilitares. Il y a des catégories de vehicules (pompiers, ambulances, livraisons, transports publics) qui ne peuvent pas être remplacés par des vélos ou par des trajets à pied.
Dans la situation actuelle, les vehicules utilitaires utilisent la rue de manière très inefficace, car les routes sont encombrées par tous les véhicules qui sont utilisés par les particuliers pour leurs trajets domicile-travail, pour les achats ou pour les loisirs, et les ambulances, les pompiers, les livraisons et les transports publics sont souvent pris dans les bouchons.
Si on enlève toutes les voitures qui font des trajets non nécessaires, les véhicules utilitaires auront toute la place qu’il leur faut. Et ils auront toute la place, même si on ferme à toute circulation le 80% des routes.

10 – Les constructeurs automobiles, sans argent public, produisent à perte.
Dans les années 60, le marché de l’automobile était très prometteur. Presque personne ne possedait une voiture, et il était très facile de capturer des nouveaux clients. De plus, les normes de sécurité étaient très peu sévères, et cela tenait très bas le coût de construction d’une nouvelle voiture.
Avec le temps, le marché automobile s’est saturé. Tous ceux qui avaient besoin d’une voiture l’ont achetée. Et, avec un marché saturé, les exigences par rapport aux nouvelles voitures ont changé: les premières voitures étaient très accidentogènes, et pouvaient fonctionner seulement sur des routes peu encombrées. Avec une circulation plus dense, il y a besoin de normes de sécurité plus sévères, et ces normes rendent les voitures plus grandes et plus chères.
On arrive donc à un marché saturé, ou les voitures deviennent de plus en plus chère et les marges pour les constructeurs automobiles deviennent de plus en plus faibles.
Entre 1990 et 2020, on a essayé de résudre ce problème en créant artificiellement une obsolescence programmée: les nouvelles voitures étant plus performantes du point de vue écologique, les pouvoirs publics ont émis des interdicions de circulation pour les véhicules les plus anciens, et ont offert des subventions pour l’achat d’une voiture neuve répondant aux nouvelles normes.
Depuis 2020, l’obsolescence programmée ne suffit plus pour tenir en vie le marché automobile, et la stratégie des constructeurs a changé. Tout le segment de basse et moyenne gamme a été éliminé, et les constructeurs se sont concentrés uniquement sur le marché de luxe.
Mais cela pose un autre problème. Les routes et les infrastructures sont pensés pour une population ou 60-70% des gens possèdent une voiture. Si le nombre de personnes possédant une voiture descend à 10-20%, il n’y a plus le consensus politique pour dépenser de l’argent public pour des routes, et pour tenir ouvert aux voitures l’accès aux rues des villes.
Bref, c’est tout le système économique qui est derrière la mobilité automobile qui risque de se casser la gueule.
Nous avons travaillé longuement sur le sujet, notamment avec notre guide pour vivre à la campagne sans voiture, et notre proposition d’écoquartier à basse densité. Vous voulez en savoir plus? Contactez-nous!