Cet article est paru sur le dernier numéro (mars 2019) du journal « Pic Vert ».
Ces derniers temps, les nouvelles constructions ont été au centre du débat, avec notamment : des pétitions pour le maintien d’anciennes bâtisses, des référendums sur des nouveaux PLQ et, plus récemment, un référendum sur la gestion des zones agricoles.
Dans ces débats, la mobilisation de la population, des élus et parfois des architectes fut grande, mais un sujet n’a pas été abordé, celui de l’aspect des nouvelles constructions.
Or, l’aspect des constructions est un sujet fondamental du débat, car la plupart des
nouvelles constructions finissent par ressembler à des cubes ou des barres quelconques. Pourtant, avec le même plan de quartier et pour un coût similaire, on pourrait construire un immeuble avec plus de caractère.
Il est donc temps d’introduire l’aspect architectural des nouvelles constructions dans le débat. Dans un article précédent, j’abordais la conception des belles architectures pour un prix raisonnable. Dans le présent article, il sera question de la procédure qui mène souvent à des constructions très décevantes.
Des projets conçus pour plaire au jury
Lorsqu’une collectivité publique possède des terrains à bâtir, elle lance un concours d’architecture SIA 142. Dans le jury de ces concours, la partie non-professionnelle est en général représentée par des élus de la commune et la partie professionnelle, de professeurs d’écoles d’architecture locales.
Dans les concours SIA 142, les architectes acceptent de travailler gratuitement. Le projet gagnant obtient le mandat, les 2-3 suivants reçoivent une petite somme à titre de remboursement des frais, et les autres ne reçoivent aucun défraiement.
Etant donné l’effort demandé, les architectes tentent donc de maximiser leurs chances de gagner. Ils ne cherchent pas à proposer le projet le plus beau, ni le plus fonctionnel, mais uniquement le projet qui correspond le mieux à la vision du comité d’experts.
Le « formatage » commence à l’école
Dans la plupart des écoles d’architecture, il existe une vénération pour la période historique allant des années vingt à la fin des années soixante. Autrement dit, la période
du Bauhaus, de Le Corbusier, de Mies van der Rohe, de Marcel Duchamp, des dadaïstes, du roman d’Ayn Rand « La Source Vive », et de tous les artistes qui ont évolué autour de ces cercles et courants artistiques. Tous étaient des révolutionnaires, qui ont rejeté les règles de l’architecture classique en faveur d’une architecture basée sur les inventions de l’époque : le paquebot, le conteneur, le bunker antichar.
Le cours proposé par les écoles d’architecture est devenu une reconstitution historique perpétuelle de la scène artistique de l’époque, avec des étudiants qui rejouent à chaque
session d’examen les moments clés de cette époque : l’installation d’un WC comme oeuvre d’art dans une exposition, l’ajout d’un élément dissonant à une architecture classique, la conception d’une unité d’habitation en béton brut, sur pilotis et avec un toit plat.
A l’inverse, tous ceux qui entrent dans les écoles d’architecture en espérant redécouvrir les matériaux et techniques de l’architecture classique, et refusent de jouer ce jeu de reconstitution historique, sont mis à l’écart. Ils passent les examens avec la note minimale et seront exclus des postes importants, dont celui de jury pour les concours d’architecture.
Minimum de risque
Les promoteurs souhaitent des constructions facilement vendables avec un minimum de risques. Donc, pour leurs projets, ils s’inspirent des réalisations les plus récentes et confient des mandats aux architectes qui auront fait leurs preuves lors des concours publics.
Et le résultat est devant nos yeux: des immeubles semblables à des containers ou des blockhaus, avec des revêtements en métal ou en béton apparent et des fenêtres
dépareillées.
Une autre architecture est possible
Pour changer cet état de fait, il faut d’abord prendre conscience qu’une
autre architecture est possible et se documenter sur les alternatives:
- Le livre « La belle époque de l’ornement, Genève 1890-1920 » (http://o-a-g.ch);
- l’association « A vision of Europe» (http://avoe.org);
- l’association INTBAU (http://intbau.org);
- la fondation Create Streets (http://createstreets.com);
- l’école d’architecture Notre Dame, Indiana (https://architecture.nd.edu)
- Et, bien sûr notre bureau! (http://villenouvelle.ch)
Ensuite il est indispensable de sensibiliser les élus. Il est courant dans la profession de penser que les élus et la population n’ont pas leur mot à dire concernant la forme architecturale des bâtiments car cette dernière doit être laissée à la créativité des architectes.
Au contraire, il est temps pour les élus et les habitants de débattre sur la forme architecturale de la ville, et décider quelle direction lui donner. Après tout,
ce sont eux qui verront, voire habiteront, dans ces bâtiments « conçus » pour eux.
En troisième lieu, il faudrait réviser les cahiers des charges des concours d’architecture SIA 142, pour y insérer des normes plus précises au niveau de la forme architecturale
à donner aux constructions objet du concours.
Enfin, il s’agirait de sensibiliser les promoteurs et de leur montrer que des projets différents peuvent être moins chers et plus faciles à vendre car ils susciteraient moins d’oppositions parmi les voisins.
Vous voulez construire? Contactez nous au 079 525 71 35!