Le Nowhere est un lieu complétement autosuffisant, et tout fonctionne grâce au travail de ceux qui y habitent. La vie au Nowhere est dure, mais riche en émotions. Il faut travailler dans les champs, pour s’assurer que la communauté ne manque pas de nourriture, puis cuisiner, nettoyer les lieux, réparer tout ce qui se casse, couper le bois et le mettre dans la chaudière, gérer la bibliothèque, et exécuter toutes les tâches nécessaires au bon fonctionnement de la communauté. Mais une fois qu’on a accompli ses tâches quotidiennes, on peut profiter de la riche vie culturelle et spirituelle du lieu: participer à un cours de yoga et méditation, suivre un atelier, s’échanger des massages, danser au son des tambours et des instruments à vent, ou se baigner dans la rivière.
De toutes les tâches et activités quotidiennes qui rythment la vie du Nowhere, la préférée de Stella est le Marché. Le Nowhere arrive à produire plus de ce qui est nécessaire dans la communauté, et le surplus est vendu tous les mercredis au marché du village. Le marché est une excellente occasion de faire des nouvelles connaissances dans le village, et Stella adore cela: elle fait tout ce qu’elle peut pour se faire assigner au marché, et tous les mercredis elle est là, fidèle au poste.

Le marché est l’occasions de voir toute l’humanité qui vit et fait ses courses à Murat. Il y a les Auvergnats historiques, qui se connaissent tous, qui ont leurs habitudes et qui vont toujours dans le même bar, pour boire du vin et manger du saucisson. Puis il y a les réfugiés des grandes villes françaises, qui arrivent par vagues, et qui tournent dans le village avec un air dépaysé, en essayant de trouver leurs repères dans ce lieux à leur inconnu. Et il y a les membres des différentes communautés, Juive, Musulmane, Orthodoxe et Burner, qui se promènement avec leurs habits traditionnels et parlent dans leur dialecte respectif.
Parmi toutes ces personnes, une en particulier attire l’attention de Stella. C’est un jeune auvergnat, qui un jour vient à son étal.
« Bonjour! vous faites de la bière au Nowhere? »
« Bien sûr! On fait des bières et des fromages, selon la recette des anciens monastères cisterciens. Un de nos membres a récupéré les anciennes recettes, et de là nous avons commencé la production. »
« C’est bien. Je cherchais justement à boire une bonne bière, accompagnée d’un bon fromage! » Stella lui sert une bière, et commence à couper le fromage. « Vous êtes nouvelle par ici? »
« Je viens d’arriver depuis Paris, et depuis une semaine je suis au Nowhere. And by the way, je m’appelle Stella. Et vous? »
« Je m’appelle Sylvain, mais on m’appelle « Le Diable ». Auvergnat depuis sept générations! »
« Le Diable??? »
« Oui. Les vieux du coin m’appellent comme ça depuis qu’ils m’ont vu courir sur mon cheval à travers le village. Ça a dû leur faire peur! »
« Et qu’est-ce que vous faites ici à Murat? »
« Je répare des choses. J’aiguise des couteaux, ciseaux, petits ciseaux, ciseaux à soie, couteaux à jambon. Je répare vos parapluies et je règle vos cuisines à gaz. Si vous avez des pertes de gaz, je les répare. Si votre cuisine fait de la fumée, j’enlève la fumée de votre cuisine à gaz… Salut les femmes, le Diable est arrivé! »
« C’est quoi ce que vous dites? »
« C’est mon cri: je me promène à cheval dans les villages, avec ma boîte à outils, et j’appelle les dames pour voir si ont besoin de travaux de réparation. Depuis la fermeture des usines, pour les artisans il y a beaucoup de travail! »
« Vous êtes drôle, avec vos cris! On dirait la version médiévale de Rocco Siffredi. »
« Disons que c’est voulu. Vous devrez voir les visages des dames des villages les jours où je passe par chez elles. Quand je les vois venir pour aiguiser un couteau à la fois pendant plusieurs semaines, je commence à me poser des questions. »
« Et il y a-t-il de dames qui sont allées plus loin? »
« Oui, quelques fois. Il y en a qui sortent leur robe la plus belle et plus sexy, celles qui trouvent toutes les excuses pour m’offrir un verre, et celles qui y vont cash avec des propositions directes. En général, toutes ces dames ont l’air de s’ennuyer beaucoup avec leurs maris. »
« Je vois bien! À leur place, je m’ennuierais aussi! En tous cas, vous êtes drôle! Tenez, pour aujourd’hui la bière est offerte! »
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