Après avoir discuté nos différentes idées de manière théorique, nous avons trouvé intéressant de le mettre sous forme de roman. Nous espérons que cela ira vous plaire.
C’est après s’être fait agresser pour la énième fois que Mathieu décide de quitter Paris.
L’agression d’aujourd’hui a eu lieu dans les couloirs du métro Stalingrad. Ils étaient 4, ils l’ont entouré, il lui ont pris son sac à dos, son téléphone, son porte-monnaie, et ils sont partis sur un train de la ligne 7, direction La Courneuve – 8 mai 1945. Et Mathieu, sans téléphone et sans un rond sur lui, doit marcher sous la pluie jusqu’à son appartement, au 29 Boulevard Voltaire.

La fois d’avant, c’était à la sortie du supermarché. Puis la semaine dernière, au bancomat. Puis il y avait eu la bagarre à l’internet café, le règlements de comptes au Kebab du coin, et le braquage de la poste du quartier. En moyenne une agression par semaine, quand tout allait bien. Quand tout n’allait pas bien, c’étaient les attentats: Charlie Hebdo, le Bataclan, l’Hyper Cacher… La vie à Paris était pire que la Guerre!
C’est en remuant sur toutes les agressions subies jusqu’à là, que Mathieu fait son chemin du retour, et c’est un Mathieu mouillé et démoralisé qui rentre dans l’appartement qu’il partage avec ses deux amours, Sophie et David.
« Définitivement, Paris n’est plus ce qu’elle était avant! Bien sûr, il y a encore la vie culturelle, les concerts et les restaurants japonais, mais à chaque jour qui passe, la vie devient de plus en plus difficile: les loyers qui montent, le travail qui ne paie pas assez, et maintenant aussi les agressions! »
« Oui, je sais. » – David lui amène un linge de bain, et commence à sécher les cheveux de Mathieu – « mais c’est aussi la seule ville qui nous permet d’être nous-mêmes. »
« Régarde » – Sophie lui amène une tasse de thé et des biscuits – « dans quelle autre ville on pourrait continuer à vivre à trois sans susciter les commentaires des gens? Tu imagines notre trouple à Dijon? Ou à Limoges? Ou à Clermont-Ferrand? »
Les mots et les attentions de David et Sophie arrivent à calmer Mathieu. Entre ses deux amours, il se sent à nouveau bien. Les trois amoureux passent le reste de la soirée à boire des verres, à refaire le monde, à discuter et à s’embrasser, comme ils font plus ou moins tous les soirs depuis qu’ils partagent leur appartement parisien. Et c’est avec le coeur léger que Mathieu va se coucher: l’agression de ce soir était juste un mauvais épisode d’une vie qui, pour le reste, ne pourrait aller mieux.
Le lendemain, comme tous les jours, Mathieu se lève pour aller travailler. Il s’habille, prend son petit déjeuner, sort de chez lui, prend le métro. Tout est pareil que les autres jours, mais il se sent différent. Dans le métro, il regarde les gens, et il se sent un noeud à la gorge: tous, du premier au dernier, sont des parfaits inconnus. Si tout va bien, ils resteront des parfaits inconnus. Si tout ne va pas bien, ils le déroberont, l’agresseront, le bousculeront. « Dès que je sors de chez moi, je ne peux m’attendre à de l’indifférence ou de la violence. Indifférence ou violence, violence ou indifférence. Est-ce que c’est ça mon idéal de vie? »
Un panneau publicitaire l’interpelle. « Dijon à 15 Euro, avec le TGV ». « Est-ce que à Dijon, les gens sont aussi indifférents que à Paris? (les mots de Sophie lui resonnent toujours dans la tête) Et à Limoges? Et à Clermont-Ferrand? »
Ces pensées continueront à tourmenter Mathieu toute la journée. Et aussi les jours qui suivent.